Article rédigé en lien avec le projet P-8 de Swissuniversities qui vise au renforcement des Digital Skills dans l’enseignement.

Responsable des finances et organisateur de tournois pour son club d’escrime, Tartempion a une bonne maĂ®trise des feuilles de calculs. Quant Ă  SĂ©raphine, elle n’y comprend rien. NĂ©anmoins, elle a dĂ©veloppĂ© de robustes compĂ©tences en protection et sĂ©curitĂ© informatique suite au piratage de son compte mail il y a deux ans. Nous, ingĂ©nieurs pĂ©dagogiques, crĂ©ons un dispositif unique pour dĂ©velopper les compĂ©tences numĂ©riques de tous les Ă©tudiants. « Comment Ĺ“uvrer pour que ni Tartempion ni SĂ©raphine ne perde du temps ? Que proposer pour s’assurer que tous les Ă©tudiants dĂ©veloppent efficacement des compĂ©tences ? » 

A certains égards, c’est possible, en substituant à la notion de prérequis celle de préacquis, de façon qu’après avoir été dégagés d’une contrainte, Séraphine et Tartempion puissent jouir d’une opportunité.

« PrĂ©requis Â» est un terme utilisĂ© par la plupart des pĂ©dagogues. Les prĂ©requis soulignent la part « exigible pour aborder de nouveaux contenus Â» (Astolfi, 1997, p. 103). Chaque prĂ©requis symbolise une condition nĂ©cessaire – c’est-Ă -dire une contrainte – avant de dĂ©buter un enseignement. Les prĂ©requis n'admettent pas de degrĂ©s : soit l'Ă©tudiant les possède, soit il doit pallier l'ignorance pointĂ©e par l'instructeur.

« PrĂ©acquis Â» n’existe pas dans le dictionnaire. La notion renvoie aux connaissances, aux savoirs, aux compĂ©tences maĂ®trisĂ©s par l’apprenant (Maubant, 2004) avant qu’il ne suive un cours. Les prĂ©acquis sont le dĂ©jĂ -lĂ  avec lequel l’enseignant doit s’adapter avec plus ou moins de rĂ©ussite. Source d’ennui, quand les tâches proposĂ©es en deviennent insipides pour ne pas dire enfantines ; source de crĂ©ativitĂ© et de plaisir quand les activitĂ©s permettent de s’y appuyer pour aller plus loin.

Les prĂ©requis symbolisent un point de dĂ©part, le commencement d’un enseignement ; les prĂ©acquis accompagnent l’apprentissage et interagissent avec lui. « Telle notion devrait ĂŞtre maitrisĂ©e avant tel aspect Â». Les prĂ©requis sont toujours normatifs : ils disent ce que devrait ĂŞtre l’ordre normal de l’apprentissage. « Tartempion manie dĂ©jĂ  les tableurs aussi bien que SĂ©raphine protège son ordinateur Â». Les prĂ©acquis informent : ils disent ce qui est prĂ©sent, ce qui est dĂ©jĂ  su, dĂ©jĂ  maitrisĂ©. Les prĂ©requis relèvent de ce qui devrait ĂŞtre connu selon l’enseignant, tandis que les prĂ©acquis rĂ©vèlent ce qui est.

Quand on veut dĂ©velopper les compĂ©tences numĂ©riques, cette distinction est cruciale. Comment ne pas proposer des tâches redondantes pour Tartempion ou pour SĂ©raphine ? En fonction de ses expĂ©riences passĂ©es, chaque citoyen a dĂ©veloppĂ© des liens singuliers avec le monde numĂ©rique. Comment proposer des activitĂ©s pour tous qui transmettent des compĂ©tences numĂ©riques Ă  chacun ? Pour satisfaire cette exigence, le dispositif digital skills a optĂ© pour deux principes.

Premièrement, il propose des questions qui nécessitent une procédure brève pour qui maitrise la compétence et longue pour qui ne la maitrise pas.

Exemple avec une question du dispositif

Quelle particularité géographique se trouve aux coordonnées 14.009217 (latitude) et 120.996116 (longitude) ?

  1. le centre d’un carrefour .
  2. un lac au milieu d'une île du lac Taal .
  3. le point n’existe pas, car une longitude ne peut pas dépasser 120 degrés .
  4. une île au milieu d'un lac de l'île de Luzon.
  5. un lac rose au Sénégal.

L’étudiant qui dispose de connaissances suffisantes pour placer des coordonnĂ©es GPS dans un logiciel de cartographie en ligne rĂ©pond Ă  cette question en quelques clics et certifiera qu'il est certain de sa rĂ©ponse. Quant Ă  celui qui ne sait pas, il dispose de deux pistes : la première, sous la forme d’un indice, l’invite Ă  utiliser le logiciel de cartographie le plus cĂ©lèbre ; la seconde lui propose une procĂ©dure Ă©tapes par Ă©tapes pour rĂ©soudre le problème. Ensuite, il soumet sa rĂ©ponse et prĂ©cise s'il est certain de sa procĂ©dure ou pas. De cette façon, les prĂ©acquis sont valorisĂ©s. On s'assure que SĂ©raphine passe rapidement sur les problĂ©matiques de sĂ©curitĂ© qu’elle maitrise et consacrera son Ă©nergie aux tableurs qu’elle maitrise moins.

Deuxièmement, le dispositif s'adapte aux réussites ET au sentiment de maitrise de chaque étudiant. Le dispositif prend en compte le fait que Séraphine parvient à résoudre un problème lié à un trousseau de mots de passe ET qu’elle affirme être certaine de sa réponse. Il privilégiera l’entrainement des compétences mal assurées.

En numĂ©risant un dispositif pĂ©dagogique, on l'a voulu aussi rigide dans ses contenus que souple pour l'Ă©tudiant. Nous voulions Ă©viter deux Ă©cueils antinomiques, deux omnipotences indĂ©sirables : celle de l’étudiant quand on semble lui dire « fais comme tu veux » et celle de l’enseignant quand il se dit: « fais comme je veux Â».

Ici, les crĂ©ateurs du cours crĂ©ent les contenus, dĂ©cident des difficultĂ©s, se rĂ©fèrent Ă  un rĂ©fĂ©rentiel europĂ©en de compĂ©tences (DigComp 2.1), mais ils n’imposent pas pour autant un parcours rigide. Les Ă©tudiants influencent leur propre parcours par leurs rĂ©ponses et par leurs sentiments successifs de maitrise. Bien que semĂ©e d’embĂ»ches, la mise en place de notre dispositif vise un juste milieu, jonglant avec les prĂ©acquis des Ă©tudiants et les exigences de rigueur de tout enseignement. « Tout cela est prĂ©caire et fragile et [l’enseignant] y est, Ă  bien des Ă©gards, dans une position intenable – c’est-Ă -dire une position oĂą l’on ne peut guère se sentir installĂ© – mais c’est, Ă  tous Ă©gards, la seule position possible pour qui veut faire en sorte que l’autre apprenne Â» (Meirieu, 1987, p.76).  

Tout cela est précaire et fragile et [l’enseignant] y est, à bien des égards, dans une position intenable – c’est-à-dire une position où l’on ne peut guère se sentir installé – mais c’est, à tous égards, la seule position possible pour qui veut faire en sorte que l’autre apprenne.

- Meirieu, 1987, p.76   

Références bibliographiques

  • Astolfi, J.-P. (1997). L’erreur, un outil pour enseigner. ESF.
  • Maubant, P. (2004). Lexique. Dans PĂ©dagogues et pĂ©dagogies en formation d'adultes (p. 257-261). Presses Universitaires de France.
  • Meirieu, P. (1987). Apprendre… oui, mais comment. ESF.

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