Article rédigé en lien avec le projet P-8 de Swissuniversities qui vise au renforcement des Digital Skills dans l’enseignement.

Dans l’univers du numĂ©rique, les mots s’émancipent de tous les carcans. Le Web a forcĂ© les frontières. Internet s’est immiscĂ© dans toutes les cabosses. Qui voudrait substituer « gratuiciel » Ă  « freeware » se heurterait Ă  l’indiffĂ©rence dĂ©daigneuse de l’usage. Une autoritĂ© voudrait refrĂ©ner la popularitĂ© de l’anglicisme « fake news Â» que l’expression s’est dĂ©jĂ  dispersĂ©e tous azimuts. « Les mots sont d’infatigables globe-trotteurs. Ils se jouent des fouilles et des censures. Les mots sont libres comme l’air Â», Ă©crivait Bernard Pivot. Pourtant, ils ont quelquefois bataillĂ© pour coloniser nos palais.

En 1955, « ordinateur Â» a triomphĂ© de ses duels successifs. Aujourd’hui, dans un Occident davantage mĂ»r pour honorer la part fĂ©minine de nos mystĂ©rieuses machines, gageons qu’ordinatrice l’emporterait. En 1955, « congesteur Â» et « digesteur Â» dĂ©clarèrent forfait sans grogner, tandis que « systĂ©mateur Â»,  Â« calculateur Â» ou « combinateur Â». rĂ©sistèrent fièrement. Si l’ordinateur s’imposa, ce ne fut sans combattre.

« Dieu qui met de l’ordre dans le monde Â» : l’origine du mot en prĂ©figure le destin. ExaucĂ© par nos frĂ©nĂ©tiques routines, l’Ordinateur est dĂ©ifiĂ© par nos offices numĂ©riques permanents. Nos corps raidis, dans l’attitude de la prière, quelquefois jusqu’au sacrifice de soi, souffrent de la conversion de nos esprits au Royaume du Binaire.

Exemptes d’esprit de rĂ©forme, ces lignes proposent un rapide Ă©clairage sur quelques mots d’usage quotidien :

  • I(i)nternet : le rĂ©seau informatique mondial constituĂ© d’une multitude de rĂ©seaux locaux. Avec une majuscule, Internet dĂ©signe une rĂ©alitĂ© unique, tout comme « la Suisse » ou « UniDistance », l’hĂ©gĂ©monie en plus. La minuscule autoriserait les alternatives : d’autres internets sont possibles, voire dĂ©sirables. On Ă©crit bien « tĂ©lĂ©vision » ou « tĂ©lĂ©phone », pourquoi pas « internet Â» ? [1]
  • Web : le rĂ©seau d'informations qui utilise le rĂ©seau physique internet. Ce sont les milliards de documents connectĂ©s sur d’indĂ©nombrables serveurs. Internet est le rĂ©seau physique, le Web est le service qui permet les communications intersidĂ©rales.
  • Google : le cĂ©lèbre moteur de recherche tire son nom d’une unitĂ© de grandeur, le « gogol Â», c’est-Ă -dire 1 suivi de 100 zĂ©ros. Pensons Ă  un « Googler », entendez un employĂ© de Google, manipulant des milliards et des milliards de donnĂ©es. 
  • Bulle de filtres : la notion renvoie Ă  la tendance des algorithmes de trier et sĂ©lectionner des contenus qui correspondent aux attentes et au goĂ»t de chaque utilisateur. « Il s’agit d’un espace virtuel dans lequel les opinions ne font que se conforter car il n’y a plus d’influences contraires » (Ionos, 2020).

Et ainsi de suite, les mots de la nĂ©buleuse multimĂ©dia ont des origines alambiquĂ©es. L’antique focus conserve de pĂ©rennes perspectives. D’origine exotique, le wiki s’accommode Ă  tous les pays. La centralisante carte-mère nous rappelle Ă  nos origines. Mais la langue est aussi une question d’épiderme. Les francophones prĂ©fèrent « logique », « virtuel », « Ă©lectronique », « informatique » ou « numĂ©rique Â» Ă  « digital Â» qui règne, monarque omnipotent, chez les anglophones [2]. Car c’est bel et bien de pouvoir dont il s’agit. « Une langue n’existe pas, elle peut. Cette puissance veut dire simplement le pouvoir de dire tout. Cette langue-lĂ , qui dit tout, cette puissance de dire tout, le dit d’un point de vue unique, particulier, original, authentique et irremplaçable Â», exprimait Michel Serres.

Pourtant, beaucoup de mots s’engourdissent. SacrifiĂ©s sur l’autel de l’efficacitĂ©, ils risquent l’asthĂ©nie. Songeons aux milliers de courriels dessĂ©chĂ©s dĂ©versĂ©s dans nos boites aux lettres via des câbles multifilaires. Par pop-up, ils surgissent sur nos Ă©crans, avides d’un Ă©clat d’attention, balayĂ©s d'un clic. Ne semblent-ils pas toujours plus brefs, truffĂ©s d’émoticĂ´nes et, Ă  peine lus, frappĂ©s d’obsolescence ? Combien de mots s’amuĂŻssent-ils [3] ? Via le net, un mail ne file-t-il par en 4 sec. ?

Notes :
[1] Le consensus n’existe pas à ce sujet. Le New York Times préférera «Internet» avec une majuscule, tandis que l'Organisation des Nations Unies utilisera « internet » avec une minuscule. Sous forme d’adjectif, on préférera toujours la minuscule.
[2] Exemples : « digital signal » devient « signal logique » ; « digital data » se traduit par « donnée informatique » ; « digital pet » se mue en « animal de compagnie virtuel » ; « digital currency » se convertit en « monnaie électronique », etc.
[3] S’amuïr : s'effacer de la prononciation, en parlant d'un son. Le [s] s'est amuï dans "bête" qui remplaça "beste".

Références bibliographiques

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