Le vendredi 27 juin 2025, la Faculté de droit d’Unidistance Suisse a organisé sur son campus à Brigue la 1ʳᵉ Journée valaisanne de droit pénal, consacrée au thème: «Les violences sexuelles: évolution législative et impacts pratiques». Cette journée visait à offrir un espace d’analyse et d’échange critique et interdisciplinaire sur la réforme du droit pénal sexuel, entrée en vigueur un an auparavant, et ses implications dans la pratique.

Ce colloque a réuni plus d’une quarantaine de participant-e-s (étudiant-e-s, avocat-e-s, stagiaires, magistrat-e-s, chercheur-euse-s, professionnel-le-s de la santé, psychologues, membres d’institutions ou d’associations dédiées à l’accompagnement des victimes), permettant de croiser les approches juridiques, forensiques et psychologiques dans une perspective résolument pratique.

Une réforme centrée sur le consentement

Entrée en vigueur le 1er juillet 2024, la réforme du droit pénal en matière d’infractions sexuelles marque un changement de paradigme. Alors que l’ancien droit exigeait la démonstration d’une contrainte physique ou psychique pour la contrainte sexuelle et le viol, le nouveau dispositif législatif repose désormais sur l’absence de consentement. Cette évolution s’inscrit dans la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, ratifiée par la Suisse en 2018, et vise à combler des lacunes relevées par le Conseil de l’Europe et la doctrine.

Par exemple, le nouvel article 189 CP (atteinte sexuelle) sanctionne tout acte sexuel non consenti, même sans contrainte ou menace. Il reconnaît notamment que la sidération (état neurophysiologique empêchant toute réaction) constitue une forme de non-consentement.

Quant à l’article 190 CP, il offre une définition plus large et non sexuée du viol: il supprime l’exigence de violence et élargit la définition à toute pénétration vaginale, anale ou buccale non consentie, quel que soit le sexe de la victime ou de l’auteur. Il prend aussi en compte la sidération et prévoit que l’usage de la force ou des menaces devient une circonstance aggravante, mais non plus une condition préalable.

D’autres dispositions importantes complètent ce dispositif, notamment: l’article 193a CP, qui introduit une infraction en cas de tromperie sur la nature de l’acte sexuel dans le domaine des soins médicaux et paramédicaux (professionnels ou non); ou l’article 197a CP, qui prévoit des sanctions pour la diffusion non consentie de contenus intimes (notamment les actes de vengeance pornographique).

Il convient également de souligner que, tout en renforçant la protection des enfants de moins de douze ans, la loi tient compte de l’évolution des mœurs liée aux nouvelles technologies, en reconnaissant la capacité des mineur-e-s à consentir dans certains contextes (notamment la création et l’échange de contenus intimes, ou la consommation de pornographie).

Si cette rĂ©forme constitue une avancĂ©e normative importante, elle soulève nĂ©anmoins de nombreuses questions quant Ă  sa mise en Ĺ“uvre effective, notamment en ce qui concerne la preuve de l’intention dĂ©lictuelle, la reconnaissance du non-consentement implicite, et les limites de la prĂ©vention par le droit pĂ©nal.

Regards croisés sur les enjeux théoriques et pratiques

Huit intervenants ont rythmé la journée, abordant les problématiques contemporaines de la justice pénale sexuelle sous différents angles :

  1. Thierry Godel, professeur de droit pénal à UniDistance Suisse
    Les abus sexuels: les zones grises autour du non-consentement
     
  2. Camille Perrier Depeursinge, Professeure ordinaire à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne, docteure en droit, titulaire du brevet d’avocate et Présidente de l’Association pour la justice restaurative en Suisse (AJURES)
    Se reconstruire comme victime après une agression sexuelle: justice pénale ou restaurative?
     
  3. Julien Meuwly, Procureur auprès du Ministère public du canton du Valais, Office régional du Valais central
    Auditions des parties, recherche de preuves et interprétation de leur valeur probante
     
  4. Tony Fracasso, Professeur associé à la Faculté de médecine de l’Université deGenève, médecin légiste, directeur adjoint du Centre UniversitaireRomand de Médecine Légale (CURML)
    Prise en charge aux urgences d’une victime d’agression sexuelle
     
  5. Nicolas Bloque, avocat et assistant d’enseignement à UniDistance Suisse
    Regard de l’avocat sur les défis procéduraux liés aux crimes sexuels
     
  6. Anne-Catherine Cordonier Tavernier, juge auprès du Tribunal des mineurs du canton du Valais
    Quelques spécificités illustrées de la justice pénale des mineurs
     
  7. Aimée Zermatten, Office fédéral de la justice, Docteure en droit, Chargée de cours à l’Université de Berne
    Aspects légaux du traitement pénal des délinquants sexuels
     
  8. Rekia Ibnolahcen et Denis Gruter, psychologues-cadre
    Prise en charge des délinquants sexuels: limiter les risques et guérir?
     

Enseignements transversaux: consentement, preuve et prévention

Les échanges ont mis en évidence plusieurs points clés:

  • L’établissement de l’absence de consentement constitue un dĂ©fi central du nouveau droit. Sans manifestations explicites de refus, les indices peuvent ĂŞtre ambigus, notamment en cas de sidĂ©ration ou d’absence de rĂ©action verbale ou physique. La charge de la preuve repose souvent sur l’interprĂ©tation du comportement de la victime.
  • La reconnaissance de la sidĂ©ration (ou freezing) comme forme de non-consentement implique une apprĂ©hension plus fine de l’absence de rĂ©action manifeste de la victime. Toutefois, le droit pĂ©nal actuel ne sanctionne pas la nĂ©gligence de l’auteur qui, sans intention dĂ©lictueuse, aurait dĂ» ou pu percevoir l’absence de consentement, notamment en prĂ©sence d’indices clairs d’un Ă©tat de sidĂ©ration. Cette absence de rĂ©pression en cas de manquement au devoir de prudence soulève des interrogations quant Ă  la portĂ©e rĂ©elle de la protection offerte par la rĂ©forme et constitue, Ă  ce stade, une limite structurelle du dispositif lĂ©gal.
  • Le rĂ´le des auditions et des premières constatations mĂ©dicales apparaĂ®t central dans le nouveau cadre lĂ©gal. L’absence de contrainte rendant la preuve du non-consentement plus complexe, la crĂ©dibilitĂ© des dĂ©clarations des victimes et du prĂ©venu, ainsi que leur interprĂ©tation, deviennent dĂ©cisives. Un examen mĂ©dical rapide est essentiel pour prĂ©server des Ă©lĂ©ments de preuve souvent pĂ©rissables.
  • Concernant les auteur·es d’infractions sexuelles, les interventions ont mis en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© d’une prise en charge personnalisĂ©e, fondĂ©e non seulement sur les facteurs de risque, mais Ă©galement sur les facteurs protecteurs favorisant la dĂ©sistance. Cette approche implique un changement de paradigme, en intĂ©grant l’objectif de rĂ©insertion dès le stade de l’exĂ©cution du jugement, sans attendre la fin de la peine privative de libertĂ©. Toutefois, la mise en Ĺ“uvre effective de tels dispositifs se heurte Ă  des contraintes institutionnelles et Ă  un manque de ressources spĂ©cialisĂ©es, limitant la diffusion de programmes structurĂ©s et fondĂ©s sur les donnĂ©es probantes.
  • La place des victimes dans le procès pĂ©nal demeure problĂ©matique. Trop souvent, leur rĂ´le est perçu comme passif, et leur expĂ©rience judiciaire comme une Ă©preuve supplĂ©mentaire, vĂ©cue parfois comme une absence de reconnaissance de leur statut et de leur souffrance. Une participation plus active, par exemple dans le cadre de processus de justice restaurative, permettrait de mieux rĂ©pondre Ă  leurs besoins de reconnaissance, de rĂ©paration et de sĂ©curitĂ©.

Pour une approche intégrée et pérenne de la justice sexuelle

La 1ʳᵉ JournĂ©e valaisanne de droit pĂ©nal a permis d’initier une rĂ©flexion critique sur les enjeux contemporains du droit pĂ©nal sexuel en Suisse. Elle a mis en lumière les tensions entre les impĂ©ratifs de preuve, les attentes des victimes, les limites du droit rĂ©pressif et les possibilitĂ©s offertes par des approches complĂ©mentaires, en particulier restauratives et thĂ©rapeutiques.

Au vu de l’engagement des intervenant-e-s et de la richesse des Ă©changes, cette journĂ©e a vocation Ă  s’inscrire dans la durĂ©e et Ă  devenir un lieu d’échanges privilĂ©giĂ© entre recherche acadĂ©mique, formation universitaire et pratiques professionnelles.

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