Ce colloque a réuni plus d’une quarantaine de participant-e-s (étudiant-e-s, avocat-e-s, stagiaires, magistrat-e-s, chercheur-euse-s, professionnel-le-s de la santé, psychologues, membres d’institutions ou d’associations dédiées à l’accompagnement des victimes), permettant de croiser les approches juridiques, forensiques et psychologiques dans une perspective résolument pratique.
Les violences sexuelles: évolution législative et impacts pratiques
Une réforme centrée sur le consentement
Entrée en vigueur le 1er juillet 2024, la réforme du droit pénal en matière d’infractions sexuelles marque un changement de paradigme. Alors que l’ancien droit exigeait la démonstration d’une contrainte physique ou psychique pour la contrainte sexuelle et le viol, le nouveau dispositif législatif repose désormais sur l’absence de consentement. Cette évolution s’inscrit dans la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, ratifiée par la Suisse en 2018, et vise à combler des lacunes relevées par le Conseil de l’Europe et la doctrine.
Par exemple, le nouvel article 189 CP (atteinte sexuelle) sanctionne tout acte sexuel non consenti, même sans contrainte ou menace. Il reconnaît notamment que la sidération (état neurophysiologique empêchant toute réaction) constitue une forme de non-consentement.
Quant à l’article 190 CP, il offre une définition plus large et non sexuée du viol: il supprime l’exigence de violence et élargit la définition à toute pénétration vaginale, anale ou buccale non consentie, quel que soit le sexe de la victime ou de l’auteur. Il prend aussi en compte la sidération et prévoit que l’usage de la force ou des menaces devient une circonstance aggravante, mais non plus une condition préalable.
D’autres dispositions importantes complètent ce dispositif, notamment: l’article 193a CP, qui introduit une infraction en cas de tromperie sur la nature de l’acte sexuel dans le domaine des soins médicaux et paramédicaux (professionnels ou non); ou l’article 197a CP, qui prévoit des sanctions pour la diffusion non consentie de contenus intimes (notamment les actes de vengeance pornographique).
Il convient également de souligner que, tout en renforçant la protection des enfants de moins de douze ans, la loi tient compte de l’évolution des mœurs liée aux nouvelles technologies, en reconnaissant la capacité des mineur-e-s à consentir dans certains contextes (notamment la création et l’échange de contenus intimes, ou la consommation de pornographie).
Si cette réforme constitue une avancée normative importante, elle soulève néanmoins de nombreuses questions quant à sa mise en œuvre effective, notamment en ce qui concerne la preuve de l’intention délictuelle, la reconnaissance du non-consentement implicite, et les limites de la prévention par le droit pénal.
Regards croisés sur les enjeux théoriques et pratiques
Huit intervenants ont rythmé la journée, abordant les problématiques contemporaines de la justice pénale sexuelle sous différents angles :
- Thierry Godel, professeur de droit pénal à UniDistance Suisse
Les abus sexuels: les zones grises autour du non-consentement
- Camille Perrier Depeursinge, Professeure ordinaire à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne, docteure en droit, titulaire du brevet d’avocate et Présidente de l’Association pour la justice restaurative en Suisse (AJURES)
Se reconstruire comme victime après une agression sexuelle: justice pénale ou restaurative?
- Julien Meuwly, Procureur auprès du Ministère public du canton du Valais, Office régional du Valais central
Auditions des parties, recherche de preuves et interprétation de leur valeur probante
- Tony Fracasso, Professeur associé à la Faculté de médecine de l’Université deGenève, médecin légiste, directeur adjoint du Centre UniversitaireRomand de Médecine Légale (CURML)
Prise en charge aux urgences d’une victime d’agression sexuelle
- Nicolas Bloque, avocat et assistant d’enseignement à UniDistance Suisse
Regard de l’avocat sur les défis procéduraux liés aux crimes sexuels
- Anne-Catherine Cordonier Tavernier, juge auprès du Tribunal des mineurs du canton du Valais
Quelques spécificités illustrées de la justice pénale des mineurs
- Aimée Zermatten, Office fédéral de la justice, Docteure en droit, Chargée de cours à l’Université de Berne
Aspects légaux du traitement pénal des délinquants sexuels
- Rekia Ibnolahcen et Denis Gruter, psychologues-cadre
Prise en charge des délinquants sexuels: limiter les risques et guérir?
Enseignements transversaux: consentement, preuve et prévention
Les échanges ont mis en évidence plusieurs points clés:
- L’établissement de l’absence de consentement constitue un défi central du nouveau droit. Sans manifestations explicites de refus, les indices peuvent être ambigus, notamment en cas de sidération ou d’absence de réaction verbale ou physique. La charge de la preuve repose souvent sur l’interprétation du comportement de la victime.
- La reconnaissance de la sidération (ou freezing) comme forme de non-consentement implique une appréhension plus fine de l’absence de réaction manifeste de la victime. Toutefois, le droit pénal actuel ne sanctionne pas la négligence de l’auteur qui, sans intention délictueuse, aurait dû ou pu percevoir l’absence de consentement, notamment en présence d’indices clairs d’un état de sidération. Cette absence de répression en cas de manquement au devoir de prudence soulève des interrogations quant à la portée réelle de la protection offerte par la réforme et constitue, à ce stade, une limite structurelle du dispositif légal.
- Le rôle des auditions et des premières constatations médicales apparaît central dans le nouveau cadre légal. L’absence de contrainte rendant la preuve du non-consentement plus complexe, la crédibilité des déclarations des victimes et du prévenu, ainsi que leur interprétation, deviennent décisives. Un examen médical rapide est essentiel pour préserver des éléments de preuve souvent périssables.
- Concernant les auteur·es d’infractions sexuelles, les interventions ont mis en évidence la nécessité d’une prise en charge personnalisée, fondée non seulement sur les facteurs de risque, mais également sur les facteurs protecteurs favorisant la désistance. Cette approche implique un changement de paradigme, en intégrant l’objectif de réinsertion dès le stade de l’exécution du jugement, sans attendre la fin de la peine privative de liberté. Toutefois, la mise en œuvre effective de tels dispositifs se heurte à des contraintes institutionnelles et à un manque de ressources spécialisées, limitant la diffusion de programmes structurés et fondés sur les données probantes.
- La place des victimes dans le procès pénal demeure problématique. Trop souvent, leur rôle est perçu comme passif, et leur expérience judiciaire comme une épreuve supplémentaire, vécue parfois comme une absence de reconnaissance de leur statut et de leur souffrance. Une participation plus active, par exemple dans le cadre de processus de justice restaurative, permettrait de mieux répondre à leurs besoins de reconnaissance, de réparation et de sécurité.
Pour une approche intégrée et pérenne de la justice sexuelle
La 1ʳᵉ Journée valaisanne de droit pénal a permis d’initier une réflexion critique sur les enjeux contemporains du droit pénal sexuel en Suisse. Elle a mis en lumière les tensions entre les impératifs de preuve, les attentes des victimes, les limites du droit répressif et les possibilités offertes par des approches complémentaires, en particulier restauratives et thérapeutiques.
Au vu de l’engagement des intervenant-e-s et de la richesse des échanges, cette journée a vocation à s’inscrire dans la durée et à devenir un lieu d’échanges privilégié entre recherche académique, formation universitaire et pratiques professionnelles.
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